D'une pierre blanche

Une frondeAujourd'hui est une date à marquer d'une pierre blanche : j'ai reçu le premier projectile-envoyé-par-élève de ma jeune carrière d'enseignante. Le délit s'est produit dans le couloir, tandis que j'ouvrais la porte de la salle et que nous nous apprêtions, ma classe de 5ème (la fameuse) et moi à entrer en cours, pour une heure d'abrutissement morne... Thomas s'est dénoncé aussitôt. Il n'a fait aucune difficulté quand je l'ai exclu du cours et envoyé chez le principal-adjoint, en exigeant des excuses écrites de sa part et la prise de sanctions exemplaires. Il s'est exécuté en ces termes :

Excusé moi de m'être comporte d'une façon désagréable. Je m'excuse de vous avoir touché avec le projectile quand nous etions dans les couloirs. Je m'excuse encore mais je n'avais pas fait exprès.

Thomas, j'en ai déjà parlé ici. C'est un gamin qui m'émeut, profondément. Il a un visage fin, un regard franc, un sourire doux. Intelligent, sensible, il s'en sort comme il peut, sans papa et avec une maman guère à la hauteur, réfugiée dans des paradis artificiels, où son fils n'a pas droit d'asile. L'aide sociale à l'enfance fait ce qu'elle peut, c'est-à-dire peu, trop peu.

Thomas, quand on lui a dit, avec Manuel, son professeur principal, qu'on le trouvait intelligent et qu'on souhaitait qu'il cessât de se gâcher en faisant le pitre, avait les larmes aux yeux et le plus grand mal à nous prendre au sérieux.

Thomas, j'aimerais bien qu'il s'en sorte de tout ça, qui le dépasse et le brise.

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