Une archive exhumée
Tandis que je relisais le récit de mes déboires Freenotoires, me revint en mémoire une petite chronique que j'avais publiée sur feu-Realia. Elle date du 8 mai 2003 ; je l'exhume à dessein de mes archives :
J'en ai une bien bonne. Si si.
Tandis que je naviguais paisiblement sur la Toile et m'abîmais perplexe dans la lecture des recommandations du W3C sur la syntaxe des CSS, une formidable "plantade" vînt traîtreusement interrompre mon studieux butinage. Furieuse et néanmoins résignée - mon PC tourne sous Window$ - j'attends patiemment que passent les formalités d'usage, à savoir que le Scan disk achève sa pantomime : sur fond d'écran bleu-roi, il fait semblant de chercher d'éventuelles erreurs survenues sur le lecteur C (franchement, si le scan disk avait le pouvoir de détecter une quelconque erreur, jamais un utilisateur ne verrait la couleur de son bureau ). Je ne suis pas le moins du monde inquiète, et lorsqu'enfin mon bureau s'affiche et que laborieusement se dessine le croquis de Léonard de Vinci qui en tapisse les murs, je constate sans surprise que la crise est passée, mystérieuse, irraisonnée, et qu'elle a laissé mon bureau aussi propre qu'elle l'avait trouvé en entrant. Donc, tout va bien. Mais comme je lance EasyPhp dans l'espoir de vite mettre en oeuvre sur mon site, en local, les éléments de CSS avidement glânés, je m'aperçois que celui-ci ne fonctionne plus. Du moins ne m'est-il plus possible de le lancer depuis le raccourci de la barre de tâches, comme à l'accoutumée. Lorsque je clique sur "Web local" et "Administration", surgit une fenêtre vide, fantomatique, une de ces absentes dans la présence qu'aurait sans doute goûtées Heidegger... Une lumineuse équation s'impose : si expérimentalement, on se place dans un repère où t0 = crash ; attendu que tout fonctionnait à t-1 et que tout semble perturbé à t+1, on peut raisonnablement conclure qu'en dépit des apparences, le crash... n'a pas tiré la chasse d'eau.
Premier réflexe de décervelée : je refais un Scan disk comme si soudain je croyais en son pouvoir de guérison, comme le plus obtus des cartésiens en vient par désespoir à se confier à un marabout : aucune erreur de décelée, pour changer. Un marabout aurait peut-être été plus chanceux.
Je réfléchis. Lentement, se fait jour une évidence : je me suis un peu enthousiasmée ces derniers temps pour des gratuiciels croisés ici et là et l'idée s'installe, tenace, sournoise que j'ai eu la main lourde. Je fais le compte de mes récentes acquisitions. Entre un générateur d'album web, un jeu de gommettes pour enfants, un lanceur de contrepèteries salaces, un éditeur de texte amélioré et un croqueur de pop up, j'en arrive piteusement à la conclusion suivante : j'ai vraiment téléchargé pléthore d'applications ridicules, mais fort sympathiques (ces fameux futilitaires dont je suis friande). L'idée peu charitable me traverse - comme le malin s'engouffre dans la faille d'une conscience fragile ! - que l'une d'entre elles a quelque chose à se reprocher et, la méfiance aidant, j'en viens à désinstaller rageusement, avec force récriminations et autres venimeux anathèmes, des applications qui m'enthousiasmaient encore le quart d'heure précédent... Le proverbe ne ment pas, remarquera le mysogyne en mal de proies, souvent femme varie. J'ai bien peur d'illustrer ici, à mon grand regret, la véracité du populaire adage. Avec l'obstination d'une mule cachochyme, je procéde au toilettage forcené de mon répertoire "Program files". Le lecteur C perd quelques mégas au passage. Je me console en pensant que son embonpoint devenait inquiétant. Après pareille cure amincissante du système, je rayonne d'orgueil vengeur et savoure par anticipation la victoire que je m'apprête à remporter sur la machine.
Coup dur : rien. Défaite par KO.
Toujours la même fenêtre obstinée, aussi vierge que la "blanche agonie infligée par l'espace à l'oiseau qui le nie", comme dirait notre auteur crypté national. Un éclair : après le régime forcé, procédons à la javellisation méthodique du système ; sus aux microbes et bactéries ! Je lance donc AntiVir, qui mouline consciencieusement puis m'annonce, triomphant, qu'aucun virus n'infecte mon sympathique Anatole - puisqu'ainsi se nomme ma machine. C'est bien la première fois que ce message me déçoit : par où l'on observera la perversité d'un système tellement retors qu'on finit par lui sacrifier tout bon sens !
Nouvel éclair de lucidité foireuse : le coup du rangement. Vide grenier et grand ménage s'accompagnent toujours d'une réorganisation monomaniaque de l'espace habitable ; le concept est sans doute transposable à la machine : aussi, je décide de défragmenter le disque dur. Après deux heures de défragmentation, passées à contempler fascinée un écran hypnotique, j'obtiens les résultats suivants : un gain de vitesse notable et appréciable dans le lancement des applications, quand elles se lancent, or EasyPhp n'est toujours pas de celles-là.
Le mal est donc imputable à EasyPhp seul, CQFD. Désinstallons donc le fautif et réinstallons-le dans un répertoire flambant neuf. Pour mettre toutes les chances de mon côté, je reboote et par pure superstition, trois fois de suite. A ce stade de l'histoire, mes neurones se consument définitivement dans les vapeurs de l'encens et les incantations fiévreuses adressées aux divinités les plus ésotériques et autres gourous de la secte Micro. L'aliénation mentale me guette. Lorsqu'occure le même refus d'obtempérer au lancement d'EasyPhp, je suis au bord de la crise de nerfs. Dans le délire, je vais inspecter les fichiers systèmes, comptant sur ma bonne étoile pour y trouver un fichier à la présence suspecte, quelque chose d'anormal. Evidemment, comme je n'ai jamais su quels fichiers composaient le répertoire "Windows/system" alias "fourre-tout" ou "vide-poche", ma sagacité peu exercée, et dont les ressources système ont atteint un niveau dangereusement bas, ne décèle rien de douteux.
Je passe sur le détail des manoeuvres qui ont suivi, tentatives désespérées plus insensées les unes que les autres. Au bout de plusieurs heures, l'idée me traverse qu'il doit exister un forum "SOS webmaster en détresse" sur easyphp.org. Je décide donc d'y poster un message. La page d'accueil du site recommande de lire la FAQ avant de polluer le forum de nos importunes détresses critiques. Je m'exécute. A priori dans la longue litanie des doléances, je ne trouve rien qui corresponde à la mienne. La liste touche à sa fin, mais le dernier item retient mon attention : "quand je clique sur administration et web local, il ne se passe rien". Fébrilement, je clique sur l'ancre pour accéder à la réponse et là... je suis secouée d'un rire nerveux, jaune, spasmodique, en lisant ces cinq mots, qui me font rougir et verdir alternativement : "définissez un navigateur par défaut".
C'était donc cela. Une case à cocher dans les "Options" d'Internet Explorer, qui avait dû être taquinement décochée par le programme d'installation de Netscape acquis le jour-même... Plusieurs heures d'enquête, de manoeuvres jusqu'à l'arrachage de cheveux, pour une ridicule case à cocher.
Aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre. Mon cerveau se rétablit. Je nourris à nouveau mon répertoire "program files" de futilitaires exotiques et le lecteur C reprend du poids.
Saute-Mouton - http://realia.free.fr/sautemouton_avril/newsprt.php?lng=fr&pg=856 - [Version PDF]